Conjectures & conjoncture : réussir, c'est un juste équilibre entre l'audace et la prudence ! ... et la crise alors ?

La baisse générale du pouvoir d'achat, l'assèchement du crédit bancaire aux ménages comme aux entreprises, la dévastation de l'épargne, la perte de confiance dans les responsables politiques noyés dans des rivalités partisanes stériles autant tacticiennes que profondément égoïstes voire irresponsables, le transfert des richesses productives vers certains pays d' Asie réinventant l'esclavagisme industriel, créent actuellement un environnement particulièrement défavorable et anxiogène avec lequel il va falloir apprendre à composer: cette crainte du lendemain ... matin !! Plus proches des préoccupations quotidiennes des agences, la brutalité croissante de la confrontation entre fabricants et distributeurs, la pression des réglementations consuméristes, civiques et écologiques sur les marques, l'inflation historique des prix alimentaires, l'impérialisme du discount et du low cost, l'explosion des canaux traditionnels de communication, la destruction de valeur chez certaines activités traditionnelles par l'internet que son propre développement ne suffit pas à toujours compenser, la pression intenable et souvent irraisonnable des services achat sur la rémunération des agences, créent autant de nouveaux défis toujours plus difficiles à relever à la (sur)vie des agences !

Et bien que les dernières estimations des dépenses publicitaires (cf YACAST) indiquent une hausse à fin 2008 des dépenses des annonceurs de + 4,8% vs 2007, soit 13 820 milliards d'euros d'investissement "bruts" (= prix "tarif" avant négociation), l'année 2009 ne se présente "pas tout à fait" sous les même auspices ! En 2008, le cinéma s'est replié de -11,9% vs 2007, la presse: +6,1%, la radio: + 4,9%, la TV: +4,4%. Pour 2009, on s'attend plus à une stagnation, voire un recul, non compensé par la hausse, un peu moins forte, de l'internet ?!

MAIS AUSSI L'ANNEE DE TOUTES LES OPPORTUNITES ! 

Le challenge lancé aux agences de communication nécessitera des capacités de réaction qui avantageront les opérateurs les plus audacieux, les plus déterminés, les plus innovants, les plus véloces, les plus souples mais surtout ceux qui sont les plus proches de leurs clients : 

La recherche d'efficacité commerciale et de retour sur investissement des budgets de communication n'est plus un sujet de discussion philosophique, c'est une priorité quotidienne absolue, encore faut il que les couples annonceurs/agences s'accordent sur la mise en oeuvre systématique et consensuelle d'outils de mesure adaptés aux objectifs poursuivis et aux moyens appliqués ! Cet impératif absolu exigera de la part des annonceurs de prendre leurs responsabilités sur ce qu'il convient "vraiment" de mesurer, jusqu'où ceux-ci sont prêts à partager la définition des problématiques et objectifs stratégiques auxquels ils sont confrontés et comment ils sont prêts à rémunérer leurs agences sur leur contribution au succès .-ou à la résistance ?- de leurs marques et entreprises ! 

La préservation et la recherche de retour sur capital image de marque, devront également sauvegarder et développer l'avantage concurrentiel durable des annonceurs les plus compétitifs. C'est en ne cédant pas à une panique générale se traduisant par des "promos prix" systématiques non protégées par un "prétexte conjoncturel" ou une "ombrelle valeur image", et suicidaires (lire absolument l'article du sociologue Robert Rochefort, "Trop de rabais tue la consommation", dans Le Figaro du MER/07/01/09, p 14, ainsi que celui de Jean-Pierre Robin, "Les soldes, un air mauvais de déflatioin", dans Le Figaro du LUN/12/01/09, p 23, disponibles sur www.lefigaro.fr), mais en trouvant des mécanismes "marchands" nouveaux promouvant plutôt la qualité, l'attractivité et la diffusion des produits et services associés à valeur ajoutée proposés aux consommateurs, que les marques et entreprises survivront ! Et dans ce domaine, la créativité "naturelle" des agences sera plus que nécessaire aux annonceurs paralysés par la crise et parfois en panne d'authentiques idées nouvelles ! 

ANTICIPER L'AVENIR POUR MIEUX EN TIRER PROFIT ! 

Entre les petites agences très personnalisées et les grands groupes internationaux de communication diversifiés, il deviendra de plus en plus difficile et coûteux de ...survivre ! 

Et pourtant plusieurs voies existent pour tirer profit de la crise actuelle :

  • développer une réelle expertise (multi-)sectorielle à fort potentiel d'élargissement progressif, fédérant et "transversalisant" les métiers de communication les plus complémentaires et pertinents sur des secteurs d'activité clairement identifiés;
  • développer une culture, une écoute, un savoir-faire et une posture d'agence privilégiant la compréhension de la stratégie d'entreprise et financière, des circuits de distribution, des enjeux commerciaux et la maîtrise des leviers clefs de succès de ses clients sur leurs marchés, au delà des simples enjeux d'image, de notoriété ou même de vente à court-terme;
  • encourager le regroupement des agences de petite ou moyenne taille et des énergies entrepreneuriales complémentaires autour d'un concept fédérateur, dans la perspective d'atteindre un effet de masse critique plus concurrentiel ...et une offre moins vulnérable face à la crise;
  • diversifier l'offre des grands groupes cotés, par une segmentation plus fine des compétences offertes aux annonceurs, en intégrant des managers et entrepreneurs issus de niches spécialisées,
  • infuser dans tous les métiers d'agence, de la technologie -qu'elle soit interactive ou à base de connaissance- non seulement devenue incontournable, mais surtout le seul levier de croissance durable, même si son modèle économique n'est pas encore stabilisé ;
  • imposer, via les association professionnelles et le législateur, un code de bonne conduite aux services achat des Annonceurs de plus en plus tyranniques et dont parfois les pratiques de certains d'entre eux peuvent poser question, aussi bien sur le plan de l'efficacité économique à terme que sur le plan éthique ;
  • écraser les organisations pyramidales traditionnelles dans les agences pour passer à des structures horizontales déployant des managers conseil "best in front" face aux clients ;
  • mixer systématiquement les compétences internes permanentes (CDI) avec des expertises externes ad-hoc ponctuelles (free-lances) les plus pointues sur chaque client et chaque sujet ;
  • saisir les opportunités de transmission d'entreprise à un moment où une génération d'entrepreneurs est en en "orbite de sortie", certaines agences devenues plus vulnérables, les prix revenus à un niveau plus raisonnable et où les vendeurs "sérieux" vont être obligés de plus en plus souvent de partager certains risques avec les repreneurs en leur accordant un crédit vendeur, une cession progressive dans le temps de leurs actions ou même une fusion par échange titres en attendant des jours meilleurs, afin de constituer des offres pérennes plus compétitives et dont la valeur patrimoniale deviendra à terme plus solide et liquide ?
  • s'interroger sur l'opportunité de nouer des accords internationaux, notamment sur les marchés émergents afin de valoriser son fonds de commerce mais aussi son savoir faire sur ces marchés immatures ;
  • explorer l'opportunité dans certains métiers d'agence d'intégrer verticalement en aval des métiers complémentaires de service plus récurrents et plus stables que le conseil ?

Jamais la question lancinante de la capacité d'adaptation des agences s'est autant posée, jamais encore leur faculté de réaction n'a été autant attendue : n'ont elles donc pas elles aussi un rôle à jouer dans la relance de la confiance, de la consommation et des investissements ? 

(relire STRATEGIES N° 1522 du 20/11/2008, pp 36 & 37, l'interview de HC Schroeder: "Entre grands et petits, la survie sera difficile !", disponible sur www.strategies.fr)

publié le 16 Mars 2017